Comme tout édifice, les monuments et les bâtiments historiques s’abîment avec le temps. Mais leur appartenance au patrimoine oblige à répondre à des enjeux de conservation et de restauration drastiques, qui en interdisent ou limitent considérablement toute altération, même à des fins de diagnostic. Dans ce domaine, le recours à la thermographie infrarouge connait un succès croissant, permettant d’identifier divers types d’anomalies difficilement détectables avec les techniques traditionnelles.
Ne pouvant risquer d’abîmer des monuments historiques pour en évaluer l’état de détérioration, les experts en restauration s’intéressent de très près à la thermographie infrarouge, méthode non invasive par excellence. Plusieurs applications ont fait l’objet d’études poussées, notamment en recourant à la thermographie infrarouge stimulée (TIS – voir newsletter n°10).
Cette méthode consiste à chauffer préalablement la surface des matériaux pour rendre les désordres plus facilement détectables à température ambiante, offrant ainsi des résultats très prometteurs.
Évaluer la détérioration des pierres
La présence d’eau (ex. pluie, remontées capillaires…) entraîne des sels solubles susceptibles d’engendrer de nombreuses pathologies. Selon la porosité des matériaux, ils peuvent cristalliser à la surface lors de l’évaporation de l’eau, sous forme d’efflorescences visibles mais peu dangereuses, ou à l’intérieur, avec des risques de pressions pouvant élargir des microfissures préexistantes. Dans ce dernier cas, diagnostiquer ces désordres non visibles le plus tôt possible permet de mieux évaluer les détériorations et prendre les mesures adéquates pour limiter l’aggravation et mieux conserver l’édifice avec des traitements adaptés.
Or, traditionnellement, les cartographies dressées lors de diagnostics reposent sur une identification essentiellement visuelle des désordres, sujette aux dires d’experts – les détériorations sous-surfaciques étant détectées par percussion des parois et souvent sous-estimées.
Recourir à la TIS s’avère ainsi une méthode de diagnostic non invasive efficace, mettant aisément en lumière les poches sous-jacentes, comme le démontrent les tests d’une équipe Sud Coréenne sur la pagode en pierre du temple de Magoksa (Corée).
Analyse de peintures murales
La TIS permet également de détecter la présence éventuelle de décollements d’enduits ou des déplacages, évitant de toucher des oeuvres d’art souvent fragiles. Cette technique a ainsi été mise en oeuvre pour étudier des peintures (ex. le Saint Christophe de la collection Campana du Louvre), des fresques d’édifices religieux (ex. abbaye de Saint Savin sur Gartempe) ou des peintures murales antiques (ex. villa Kerylos, Beaulieu sur Mer).
Détection d’humidité
Enfin, la thermographie infrarouge est usitée pour identifier la présence d’humidité, notamment quand les taches sont quasiment invisibles, comme le montrent les photos et thermogrammes (à gauche et ci-dessus) pris dans la chapelle Misericordia à Murça (Portugal).
Gain de temps et d’argent
Outre la rapidité du diagnostic sans risque de détérioration, dans un contexte où la sauvegarde du patrimoine souffre souvent de restrictions budgétaires, éviter de recourir aux échafaudages dans des monuments souvent imposants et difficiles d’accès s’avère particulièrement appréciable. Ce sont ainsi autant de métiers d’art amenés dans les années à venir à prendre conscience de l’importance de se former à la thermographie infrarouge.
Sources : – Alves C., Vasconcelos G., Fernandes F. M., Silva S. M. (2014) « Deterioration of the granitic stone at Misericórdia chapel in Murça (northern Portugal) », REHAB 2014, International Conference on Preservation, Maintenance and Rehabilitation of Historical Buildings and Structures
– Jo, Y.H., Lee C.H. (2014) « Quantitative modeling and mapping of blistering zone of the Magoksa Temple stone pagoda (13th century, Republic of Korea) by graduated heating thermography », Infrared Physics & Technology, Vol. 65, July 2014, p. 43–50