Cour de cassation 3ème chambre civile, 12 novembre 2015
Résumé :
Un opérateur de diagnostic n’est pas tenu de soulever des dalles de faux-plafond dès lors que celles-ci ne contiennent pas d’amiante et qu’il ne s’agit pas d’un matériau friable ou en mauvais état de conservation.
Les faits :
La SCI S avait vendu en 2009 un immeuble à la SCI A. Préalablement à cette vente, un rapport de mission de repérage d’amiante avait conclu à l’absence d’amiante dans le bâtiment. A l’occasion de travaux dans le bâtiment, la SCI A y découvrait de l’amiante sous la forme d’une couverture en plaques de fibrociment, dissimulée entre une nouvelle couverture et un faux-plafond.
La SCI A a donc assigné la SCI S, le diagnostiqueur et son assureur, en paiement des travaux de désamiantage et en dommages-intérêts.
Le débat :
Dans un premier temps, la SCI A accuse la SCI S d’avoir délibérément dissimulé au diagnostiqueur la présence d’amiante, en positionnant l’échafaudage permettant d’accéder à la sous-toiture au seul endroit du bâtiment dépourvu de plaques de fibrociment.
Donc, d’avoir berné le diagnostiqueur, en fait.
Mais, pour être certaine de mettre toutes les chances de son côté, la SCI A accuse aussi…le diagnostiqueur (qui, quelques lignes plus haut, avait été victime, lui aussi, de tromperie).
En effet, selon la SCI A, la sous-toiture en fibrociment était accessible sans travaux destructifs par simple dépose de plaques du faux-plafond. Le diagnostiqueur avait donc obligation de procéder à cette vérification.
La lecture de certains passages de l’annexe I de l’arrêté du 22 août 2002 (applicable aux repérages réalisés en l’espèce, et abrogé depuis le 1er janvier 2013) peut en effet le laisser penser.
Notons, par exemple, que « l’opérateur de repérage (…) définit les éventuels démontages nécessaires », que «lorsqu’un produit ou matériau est considéré comme étant susceptible de contenir de l’amiante, l’opérateur de repérage ne peut conclure à l’absence d’amiante sans avoir recours à une analyse », et que « les prélèvements doivent être effectués sur toute l’épaisseur pour les flocages, calorifugeages et faux plafonds ».
La toiture en fibrociment étant coffrée entre un faux-plafond et une nouvelle toiture, et un faux-plafond pouvant être considéré comme « matériau susceptible de contenir de l’amiante », l’argument semble également recevable.
Ni la Cour d’Appel, ni la Cour de Cassation ne suivront cet argument, au motif que dans la mesure où « il ne s’agissait pas d’un matériau friable ni en mauvais état de conservation », le diagnostiqueur « n’avait pas l’obligation d’ouvrir le faux plafond pour vérifier ce qu’il y avait entre celui-ci et la toiture ».
On peut donc en conclure que, suivant les dispositions applicables à l’époque des faits incriminés, le diagnostiqueur n’avait pour obligation d’ouvrir le faux-plafond que si celui-ci était constitué d’un matériau friable et / ou en mauvais état de conservation.
Cette conclusion ressort également de l’examen des anciennes modalités de repérage de l’amiante dans les faux-plafonds telles qu’elles étaient définies par l’arrêté du 15 janvier 1998 : à savoir l’évaluation obligatoire de l’état de conservation des matériaux en cas de présence avérée d’amiante dans les faux plafonds. En l’espèce, le faux plafond ne contenait pas d’amiante et était en bon état de conservation. Aucune raison, donc, d’aller soulever les dalles.
En serait-il de même aujourd’hui, dans le cadre de la mission « repérage amiante avant vente » telle qu’elle est définie par l’arrêté du 12 décembre 2012, annexe 3 ?
En d’autres termes, l’opérateur serait-il obligé d’aller soulever les dalles du faux-plafond ?
Selon nous, dans le même cas d’espèce, non.
En effet, dans un premier temps, l’opérateur doit évaluer probabilité de présence d’amiante en fonction des informations dont il dispose. S’il dispose d’un document technique sur les faux-plafonds et que ceux-ci ne figurent pas dans la liste des matériaux amiantés, il n’est pas sensé aller plus loin, sauf s’il a un doute.
Dans ce cas, la procédure lui impose de réaliser des prélèvements et ce ne sera qu’en cas de présence avérée d’amiante (sous-entendu : « confirmée par des analyses en laboratoire ») qu’il devra mettre en œuvre la grille d’évaluation de conservation des matériaux et formuler des conclusions (surveillance périodique, mesures d’empoussièrement ou travaux).
Mais la dépose de dalles de faux plafond ne relève pas de la procédure formelle de repérage.