En 1997, la France interdit définitivement l’extraction, la production et l’utilisation de l’amiante sur son territoire. Au 1er janvier 2005, une directive européenne relaie à son tour l’interdiction du matériau dans tous les Etats membres. Vingt ans après, on commence à entrevoir en France à la fois l’étendue du problème (utilisation industrielle et croissante du matériau entre 1860 et 1977) et ses conséquences probables à long terme à mesure de l’inévitable dégradation du matériau (santé au travail, santé publique et environnement).
Que faire ? Et comment le faire ? Avec qui ? Les questions, les incertitudes et les choix méritent d’être formulés avec précision pour avancer avec cohérence et dans la complémentarité des acteurs.
Victimes de l’amiante : cadre réglementaire opérationnel
Depuis 1996, lois, décrets, arrêtés, ordonnances, notes, avis, instructions et directives se succèdent à un rythme parfois proche de l’emballement (plus de 40 textes en 2007 et 43 en 2013). Ce maelström réglementaire – reflet d’une inquiétude comme d’une volonté affirmée – vise à :
- accélérer les repérages amiante, les diagnostics et les contrôles périodiques ;
- se doter de moyens de contrôle ;
- gérer intelligemment les déchets ;
- organiser la protection des acteurs ;
- trancher sur les responsabilités…
Concomitamment, les organes dédiés s’organisent autour de la reconnaissance et de l’indemnisation des victimes.
Le TASS (Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale), les différentes Caisses Maladie (selon le régime de couverture de la victime) ainsi que le FIVA (Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante) créé en 2001 reçoivent affaires et demandes de victimes à un rythme soutenu.
La FIE (Faute Inexcusable de l’Employeur) est ‘activée’ par les associations de défense pour inciter les victimes à la faire reconnaître et par là, à faire reconnaître publiquement la responsabilité de l’employeur.
L’INVS (Institut National de Veille Sanitaire) a lancé en 2009 une vaste étude épidémiologique sur la base des informations fournies par le FIVA pour y voir plus clair et tenter d’anticiper une réponse sanitaire et une budgétisation appropriée.
L’ANDEVA (Association Nationale de Défense des Victimes de l’Amiante (créée en 1996) ou ALLO AMIANTE (créée en 1999 par des cheminots) font entendre leurs voix.
Tout comme les chiffres :
- 900.000 travailleurs du BTP potentiellement exposés à l’amiante ;
- 15.000 dossiers de demandes d’indemnisation portés au FIVA par les victimes en 2004, 72.000 en 2011 (hors ayants-droit) ;
- 3,13 milliards d’euros dépensés depuis 2002 pour indemniser les victimes et entamer une ‘éradication plus méthodique’ de l’amiante de notre environnement ;
- 270 millions versés aux victimes en 2004 et 353,40 millions en 2011 ;
- 95 % des victimes reconnues en maladie professionnelle ;
- sur 51 631 maladies professionnelles dénombrées en 2014, 13 % ‘seulement’ sont liées à l’amiante ;
- mais ces 13 % représentent à eux seuls 92 % des maladies ayant donné lieu à une incapacité permanente ;
- et ont pesé 936 millions d’euros en 2014 dans le budget de la Sécurité sociale.
Chiffres FIVA 2011 et LFSS 2016 (chiffres 2014)
Vicimes de l’amiante : effort convergeant sur l’indemnisation
Aujourd’hui, si l’indemnisation des victimes de l’amiante est acquise dans le principe et reste relativement rapide et si le nombre de demandes d’indemnisation paraît tendanciellement stabilisé depuis 2013, c’est l’importance des montants à budgétiser qui est problématique.
Les financeurs ‘historiques’ que ce sont l’Etat (à travers la loi de finances) et la Sécurité sociale (section AT/MP – maladie professionnelle, à travers la loi de financement) sont préoccupés. Ainsi par exemple, le Plan Recherche et Développement Amiante (PRDA), lancé en 2014 par le ministère du Logement et doté de 20 millions d’euros, fait foi : l’objectif est d’anticiper, de penser et de chiffrer la rénovation et la réhabilitation du parc de logements existants à la veille de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Mais hormis le chiffrage et la budgétisation, l’effort doit aussi porter sur la prévention, l’information et la formation, pour s’interdire toute nouvelle victime. L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) s’inquiète en effet du nombre de fausses idées reçues et de mauvaises pratiques que véhiculent les tout jeunes acteurs de la filière.